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Dans la neige (Danya Kukafka)

Qui êtes-vous lorsque personne ne vous regarde ? 13/20

Le synopsis:

Broomsville, petite ville du nord du Colorado. Une adolescente est retrouvée morte dans une aire de jeux prés de chez elle. Qui a tué cette fille que tout le monde appréciait ? Tout le Monde ? Pas sûr. Cameron, adolescent obsédé par Lucinda au point de ne dessiner qu’elle ; Jade, qui jalousait la jeune fille et Russ, policier participant à l’enquête évoquent tour à tour la disparue mais aussi leurs souvenirs et secrets. La mort de l’adolescente fait remonter chez eux des choses qu’ils auraient préféré garder enfouies.

La critique :

Comment la mort d’une adolescente, apparemment sans soucis, peut impacter, plus ou moins directement, la vie de toute une communauté? Danya Kukafka a fait le choix de nous dévoiler son récit à travers 3 personnages différents. Liés les uns aux autres à divers degrés, ils lui permettent de multiplier les pistes mais aussi les changements de ton, bien qu’un lourd spleen soit commun à chacun des 3 principaux protagonistes. De fait, l’alternance entre leurs récits respectifs mêlant passé, présent, rêves, désirs et suspicions complexifie la tenue de l’histoire. Si cela hache un peu la fluidité, cette alternance des points de vue permet cependant d’enrichir l’intrigue principal ainsi que les relations entre les membres du trio.

Par surcroît, une immense maturité se dégage de ce premier roman. Particulièrement grâce à des personnages complexes et formidablement ancrés dans le réel. La noirceur et le mal-être adolescent au sein d’une petite communauté est un thème récurrent de la littérature de genre. Ici, l’auteure en maîtrise toutes les ficelles qu’elle met au goût du jour non seulement avec ses personnages adolescents mais également avec Russ, le seul protagoniste adulte de premier plan, torturé par des relations ambiguës tant avec ses collègues qu’au sein de sa famille.

En revanche, le rythme assez lent du roman m’a quelque peu surpris. En effet, je m’attendais vraiment à un livre mené tambours battants. Cependant, cela aurait nuit à la construction du récit mais aussi et surtout à la construction dune ambiance pesante et solitaire. Ambiance d’ailleurs encore accentuée par la présence de la neige et l’isolement de cette ville. Par ailleurs, la plume de l’auteure, très cristalline, est d’une très grande précision quant à la diversité des sentiments exprimés tout au long de ce roman. Si, à la base, Dans La Neige (Sonatine) possède tous les ingrédients du polar classique, l’opposition de personnages adolescents à des problèmes d’adultes lui permet de viser un public plus large.

Ainsi, les efforts que peut demander le début du livre, de par son ton décalé notamment, méritent vraiment d’être poursuivis tant la qualité est au rendez-vous. Le piège se referme alors lentement sur le lecteur qui n’a plus qu’une hâte: en connaitre le dénouement.

L’auteur :

Danya Kukafka a débuté l’écriture de ce roman à l’âge de 19 ans.  Elle n’a cependant envoyé son manuscrit que quelques années plus tard alors qu’elle travaillait en tant qu’assistante éditoriale chez Riverhead Books. La maturité de ton et la qualité d’écriture sont étonnantes chez une si jeune auteure. Alors qu’elle pensait écrire un roman « young adult », l’ajout du personnage de Russ a transformé le style du roman.

Le détail :

Dès le titre, la neige est présente. Même lorsqu’elle n’est pas mentionnée, comme lors de certains souvenirs évoqués par les personnages, on ressent son omniprésence dans le roman. Elle se signale dans l’ambiance toujours cotonneuse, enrobe chaque discours, chaque scène d’une espèce de douceur froide et sa blancheur trompeuse se place toujours en contrepoint de la noirceur avérée du récit et de la grisaille morale de ses protagonistes.

La parenthèse :

La criminalité, la Mort en générale et tous types de déviances au sein d’une communauté, qui aura du mal à en subir les conséquences, a beaucoup inspiré les auteurs. Du côté des américains, Jim Thompson ( Pottsville,1280 habitants ), Donald Harstad ( les aventures du shérif Carl Houseman comme 11 Jours ou Code 10 ) voire Stephen King dans le genre fantastique ( Bazaar entre autres ) ont exploité l’idée avec brio et en l’amenant dans des directions très différentes. En France, Maxime Chattam ( Que Ta Volonté Soit Faite ) ou Alexis Aubenque ( la série River Falls ) ont également brillamment repris ce thème.

Sébastien L. de MassCritics

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