David King s’occupe de tout (Joshua Cohen)
«Affaires de famille» 13/20
Le synopsis :
David King s’occupe de tout (Grasset) : David King, juif new-yorkais républicain et légèrement mafieux, a transformé sa petite entreprise de déménagement en petit empire aux méthodes de remboursement plus que limites. Très attaché aux valeurs familiales malgré de nombreux heurts avec sa femme ou sa fille adolescente, il engage Yoav, un lointain cousin venu d’Israël après son service militaire. Mais, le passé va se rappeler à ce cousin ainsi qu’au binôme échappé de ses années sous le drapeau israélite.
La critique :
Dès les premières pages de ce livre, le ton est donné. Ce David King S’Occupe De Tout est un roman au ton particulièrement décalé.
Décalé par le ton employé par Joshua Cohen, l’auteur, qui, fort d’une plume très riche et imagée, n’hésite pas à user de formules que nous sommes plus habitués à retrouver dans d’autres genres littéraires plus classiques. Pas un polar, pas un thriller non plus, ce récit se rapproche plus d’une forme moderne de roman noir à l’américaine, au croisement de différents styles et n’hésitant pas à incorporer une bonne dose d’humour.
Mais, encore faut-il être réceptif à ce type d’humour et, c’est ici que le bas blesse car les changements de ton au sein d’un seul et même ouvrage peuvent perdre le lecteur en chemin. La longueur des chapitres n’aidant pas dans ce cas à se raccrocher facilement au fil des aventures de David et Yoav. Ces longs chapitres cassent également le rythme tendu qu’a le roman dans ces premières pages et, si parfois ces longs chapitres servent à créer une ambiance, ici, ils desservent plus ce rythme propre au polar et tendent à ramener ce livre vers une littérature blanche.
Ce roman est également décalé par ces protagonistes. En premier lieu, David King, entrepreneur véreux courant après une légitimité religieuse en contraste avec son mode de vie et sa perception de la justice qu’elle soit divine ou non. A travers lui, l’auteur nous offre également une vision ironique de la société actuelle, de ses mœurs et de son évolution.
Tout autour de David évolue une galerie de personnages hors-normes, aux vies souvent plus ou moins brisées et cherchant à se raccrocher à ce qu’ils peuvent pour continuer d’exister en tant que tels, pantins désabusés victimes de la société dans laquelle ils vivent.
Parmi eux, le cousin de David, Yoav qui, sorti de son service militaire en Israël, se retrouve parachuté aux Etats-Unis où David va l’engager dans son entreprise de déménagement. Lui aussi fait parti des ces personnages « victimes » de leur vie, subissant plus qu’agissant et se contentant de ce qu’ils ont ou de ce qu’on leur donne. Il va retrouver Uri, rencontré en Israël et le duo reformé tente tant bien que mal de se trouver une place dans ce nouveau pays. C’est par l’intégration de ces 2 personnages qu’arrive le véritable changement de ton de ce roman. Cette intégration un peu poussive par moment fait encore plus entrer ce livre dans la littérature moderne américaine teinté de noir plutôt que l’inverse.
L’auteur :
Né en 1980, Joshua Cohen fait parti de la nouvelle vague de la littérature américaine. Il n’hésite pas à mélanger les genres à l’instar d’une Marisha Pessl. Il prend plaisir à mettre toutes ses influences dans ses romans aux thèmes très variés et sa plume acérée lui vaut la reconnaissance de ses pairs ainsi que de la presse américaine spécialisée.
Le détail :
Au travers de ce roman à mi-chemin entre roman noir et littérature américaine, Joshua Cohen nous offre sa vision parfois très sombre et ironique d’une société qui cherche à justifier des agissements plus que tendancieux afin d’atteindre ses objectifs personnels tout en cherchant l’absolution, l’aval de la religion parfois détournée à desseins. D’un autre côté, l’auteur met en lumière l’oisiveté dans laquelle cette même société peut bercer certaines personnes en opposition aux rêves de grandeur mafieux d’autres. Ainsi, 2 choix sont possibles, réussir en trichant ou attendre que la vie se passe.
La parenthèse :
David King, est le pendant juif de Tony Soprano de la série TV du même nom. Le héros doit, en plus des problèmes liés à ses activités mafieuses, jongler avec les humeurs de sa famille et en supporter les conséquences.
Sébastien L. pour MassCritics