Dis non, Ninon! (Lisa Chopale)
L’adolescent est l’être qui blâme, qui s’indigne, qui méprise (Alain) 20/20
Le synopsis :
Ninon a 15 ans, pas du tout confiance en elle et … des rondeurs. Victime d’harcèlements, elle se renferme peu à peu au point de se mettre en danger. C’est alors que son double, diamétralement opposé, apparaît comme par magie et vient chambouler son quotidien.
La critique :
Il y a des livres dont vous passer totalement à côté, ceux que vous lisez avec plaisir. Puis, il y a des pépites qui vous remuent les tripes. Ceux que vous lisez comme si vous étiez l’héroïne et qui vous parlent. Dis non, Ninon ! fait parti de la dernière catégorie. Lisa Chopale traite magnifiquement les sujets durs que soulèvent ce livre : le regard des autres, la grossophobie, l’acceptation de soi, le harcèlement et ses conséquences. Une lecture qui devrait être mise dans les mains de tous les adolescents (mais pas que).
Quand on est ado, on rêve de coller à l’image que la société attend, à ce que l’on voit partout. Pas de chance, Ninon est l’inverse de ces jeunes filles longilignes et parfaites : elle est ronde. Et quand on ne fait partie de la masse, les insultes fusent tout comme les coups au simple motif que l’on est différent. Lisa Chopale ne mâche pas ces mots pour parler du harcèlement subi par Ninon. C’est à mon avis nécessaire pour faire prendre conscience du calvaire qu’elle endure, à l’image de beaucoup de personnes.
L’auteure déroule devant nous une histoire qui aurai pu mal finir, Ninon tentant en effet de mettre fin à ses jours. Elle rappelle à quel point le harcèlement peut détruire une personne, la rendre vulnérable au point que la victime souhaite disparaître. Ce livre, c’est comme un cri de soutien à tous ceux qui souffrent. Comme si Lisa Chopale disait au lecteur : « sois toi-même, qu’importe le qu’en dira-t-on ».
A travers le regard de Ninon, c’est comme si toute une génération disait « Stop au harcèlement ». Et pas seulement scolaire, mais aussi sur les réseaux sociaux. Car, l’auteure met bien en avant la double vie des adolescents actuels, pour qui la vie réelle est (parfois) moins importante que celle déballer sur la Toile. L’auteure n’hésite pas à rappeler que le virtuel n’est pas le réel alors que nous savons tous l’impact du harcèlement en ligne et de l’importance de l’image renvoyée par ces médias.
Consciemment ou non, elle pointe également du doigt le rôle de l’Education Nationale dans les dérives du harcèlement au sein du collège avec un proviseur qui prend un peu trop à la légère la situation, ou un professeur de musique cassant, tandis que la professeure de Français fait tout pour aider l’héroïne.
Mais, tout ne se passe pas au sein de l’école et, en plus des brimades scolaires, Ninon les subit lorsque son père vient dîner chez sa mère. En effet, celui-ci la moque autant que des enfants de 13-14 ans, sans les coups et humiliations. Qu’elles sont dures psychologiquement ces scènes, malheureusement réelles chez certains. Lisa Chopale dénonce ainsi que le harcèlement est aussi présent au sein de ce qui est normalement un havre de paix, le cocon familial. Mais, elle rappelle aussi l’importance du soutien de ceux qui nous sont chers pour reprendre confiance en soi et avancer, à l’instar de la mère de Ninon qui est clairement pour moi un des personnages forts de cette histoire.
Car, c’est au sein de celui-ci que va naître le fantastique de cette histoire, ce twist porteur d’optimisme et de sérénité qui vient apaiser la gravité des sujets. Comme par magie apparaît en effet Niwi, l’opposé de Ninon. Avec ce jeu de mot, l’auteure fait une belle illustration du Ying et Yang, de la dualité de tout ce qui existe : si l’une est très en retrait, l’autre est totalement délurée.
Lisa Chopale fait, entre les lignes, de la philosophie en utilisant des phrases percutantes et dans l’air du temps pour inviter le lecteur à accepter l’ensemble de ces facettes afin de s’accepter totalement. Et de jouer la carte du fantastique en présentant Niwi comme étant l’ange gardien de Ninon est brillamment servi par des scènes cocasses, de l’humour et la dose idéale de rebondissements pour que le lecteur aie envie d’avoir lui aussi son jumeau ou sa jumelle fantastique à ses côtés.
L’autre tour de force de Lisa Chopale, c’est toute la psychologie des personnages qu’elle a créé. On y retrouve des traits de personnes qu’on a rencontrées à un moment donné, des attitudes et remarques entendues ou vues. A travers sa galerie de personnages hauts en couleurs, elle tire petit à petit la pelote de laine autour du harcèlement, de ses sources à ses conséquences pour arriver à un dénouement heureux.
C’est un exercice de style peu commun dans un livre destiné à des adolescents, mais qui révèle bien ce désir de l’auteur d’évoquer toutes les facettes du harcèlement, que ça soit du point de vue de la victime, de l’auteur, de l’entourage. Car la remise en questions est pour chaque protagoniste un parcours chaotique : une nouvelle vie, un passé difficile, un divorce, une famille recomposée. Entre dépression, haine, peur et jalousie, une palette importante de sentiments est mise en avant tout au long du livre, toujours avec justesse et finesse.
Enfin, je ne peux que dire « merci » à l’auteure pour ses multiples références qui, je l’espère, pousseront les plus jeunes à la curiosité. On sent à travers celles-ci que l’auteure aime les mots : Balzac, Hugo, Pagnol, Saint-Exupéry, … Elle réussit à faire le pont entre une littérature « classique » et des références connues des plus jeunes, comme Harry Potter ou Narnia. Lisa Chopale joue la carte de la culture pour inviter le lecteur a accepté ses choix, même s’ils sont à mille lieux des codes actuels.
La preuve en est notamment lorsque les élèves traitent Ninon de mémère lorsqu’ils tombent sur sa playlist composée de morceaux de Barbara ou encore Jean Ferrat. Mais, la référence la plus importante de toutes celles citées reste la poésie étudiée lors du cours de français : Le Dormeur du Val, d’Arthur Rimbaud qui donne au livre tout son sens, rappelant que les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être.
J’aurais pu vous parler (très) longuement de ce que ce livre a remué en moi tellement l’auteure a su mettre des mots sur les maux de cette jeune fille. J’aurai pu vous écrire une chronique aussi longue que détaillée à la manière d’une étude de texte, comme j’ai tendance à le faire. Mais, rien ne remplacera la lecture de Dis non, Ninon pour que vous soyez, vous aussi, touchés par la plume de Lisa Chopale et par cette histoire. Cette fois, les mots ne suffisent pas pour traduire mon coup de cœur tellement il est empreint d’émotions. Quelque-chose me dit que nous entendrons parler de cette auteure …
L’auteur :
Picarde, Lisa Chopale se découvre très tôt une attirance pour les mots, elle devient rédactrice en 2001. Dis non, Ninon (Gulf Stream) est son premier livre.
Le détail :
Observez bien la couverture … Voyez-vous l’auréole sur l’épaule droite et les petites cornes du diable sur celle de gauche ? Et bien savez-vous pourquoi ce dernier est systématiquement à cette place ? Parce que la main gauche a toujours était perçue comme étant celle du diable, tandis que l’autre en christianisme, est celle qui bénit et qui signe.
La parenthèse :
Le 13 février 2013, Marion, 13 ans, se suicide en se pendant à un foulard dans sa chambre. En 2015, sa mère Nora pose des mots sur ce drame à travers son livre Marion, 13 ans pour toujours. La même année, elle publie Stop au Harcèlement, un guide pour combattre les violences à l’école et sur les réseaux sociaux.
Magalie pour MassCritics