Je reviendrai vous voir (George Morikawa)
Un manga tout en retenu, intelligent et réaliste! 16/20
Le synopsis:
11 mars 2011, Fukushima. Nobumi, jeune père de famille tokioite est choqué par cette tragédie qui plonge son pays dans le désarroi. Il décide de faire don de milliers de livres pour enfants à la ville sinistrée afin que les enfants, dépossédés de tout, puissent retrouver un semblant d’espoir. Lorsqu’il fait part de son action sur son blog, les réactions des internautes sont insultantes. Bouleversé, Nobumi ne comprenant plus, décide d’aller aider sur place comme bénévole. Loin, très loin de ce qu’il imaginait, Fukushima va le marquer à vie.
La critique:
La catastrophe survenue à Fukushima a profondément choqué Nobumi, illustrateur jeunesse. Ce jeune père de famille un peu naïf estime que l’envoi de livres jeunesse aux enfants de Fukushima est d’une importance capitale. Le manga commence donc avec cette présentation rapide de la situation et de la personnalité du personnage principal. Un tokioite tranquille, bercé par les marées humaines successives irriguant les rues de la capitales japonaise. Les réactions dures de ses internautes le poussent alors à se remettre en question après un temps d’incompréhension.
Ainsi, en partant pour le lieu du sinistre, ce jeune père de famille découvre un paysage chaotique, lunaire, désolé. Effondré par ce spectacle qu’il ne pouvait pas imaginer, Nobumi tente avec les bénévoles présents sur le site de sauver ce qui peut l’être, accompagné en permanence par ce sentiment d’impuissance cruelle qui semble saper tout effort. Dans un décor de fin du monde, le jeune illustrateur est marqué au fer rouge par cette expérience que rien ne l’avait préparé a affronter. Souvent au bord du renoncement tant le sentiment d’inutilité est présent, Nobumi s’effondre en pleur de rage avant de se relever. Toujours soutenu par la communauté bénévole, solidaire et magnifique. Car tous les personnages se sentent un devoir d’être à Fukushima. D’aider, de sauver ce qui peut l’être. Mais tous sont traversés par des moments de découragement, d’impuissance face à la désolation de l’endroit.
Par ailleurs, le trait de George Morikawa est exécuté simplement et sans lourdeur, la forme soutenant le fond. De fait, les dessins, les dialogues, le comportement des personnages deviennent des détails mettant en relief l’objet du manga et les questions existentielles des personnages. Le personnage principal est sensible, naïf, tendre. Le lecteur peut donc sans peine s’identifier à cet homme dont tout ou presque respire la gentillesse et la bonté. De plus, la force de caractère nécessaire pour mener à bien une telle entreprise dote le lecteur d’une énergie positive, constructive.
En outre, à une époque ou les maîtres mots semblent être la dérision, la distanciation et l’individualisation, ce manga pousse à réfléchir sur ce qui est vital, essentiel, capital. Ainsi, Je reviendrai vous voir est un manga particulier. En effet, aborder un événement traumatisant pour un pays n’est pas chose aisée. Si développer un récit,une histoire sans tomber dans le mièvre et le voyeurisme est déjà remarquable… Ce manga appartient encore à une autre catégorie. Car il est écrit finement, avec pudeur. Celle que la culture japonaise laisse entrevoir sans qu’on puisse vraiment la sentir. Ici, l’auteur brosse le portrait d’un homme volontairement lisse, qui se trouve plongé dans un cauchemar. Et pourtant, tout dans le comportement, les regards, la réserve et la reconnaissance des victimes du tsunami est marqué par la dignité.
Le lecteur ne peut donc être que bouleversé par ce manga intelligent et tout en retenu. Je reviendrai vous voir est un manga réaliste, humaniste, pudique. Il puise sa force dans la faiblesse des hommes face aux dégâts causés par la nature.
L’auteur:
George Morikawa est un mangaka japonais né le 17 janvier 1966. C’est son travail sur Hajime No Ippo qui l’a fait connaître. Ce manga narre l’ascension d’un jeune lycéen dans le monde de la boxe professionnelle. La création du manga Je reviendrai vous voir est née de la rencontre de l’auteur avec le scénariste Nobumi, qui a vécu cette expérience de bénévole à Fukushima.
Le détail:
Il flotte pour le lecteur occidental un parfum atypique. Celui d’un regard, d’une culture différente. Nombre de japonais associent les forces de la nature à des puissances divines. Comment alors ne pas voir ce que la nature a voulu dire en provoquant cette catastrophe? En effet, ce n’est pas la main de l’homme qui a mis à mal la centrale de Fukushima mais un déchaînement de forces naturelles. Cela prend donc un sens particulier pour tout tenant du shintoïsme.
La parenthèse:
Ce manga est le fruit d‘une collaboration d’auteurs ayant accepté de donner à Morikawa quelques uns de leurs personnages. Certains ont même contribué au travail de l’auteur sur certaines planches (on peut citer Makoto Raiku, Hiro Mashima, Kôji Seo, Mitsurô Kubo, Miki Yoshikawa, entre autres). En fin de volume une postface de l’auteur ainsi qu’un entretien entre Morikawa et Nobumi permet de clore ce manga de manière élégante, offrant au lecteur une lecture approfondie du manga.
MassCritics