Planète à louer (Yoss)
Un panorama ultra-sombre, exotique et captivant! 16/20
Le synopsis :
Afin de sauver la Terre d’une guerre nucléaire qui l’anéantirait, les extra-terrestres (Xénoïdes) se décident à intervenir. Etant donnée leur avancée technologique, ils en prennent le contrôle pour sauver ce qui peut l’être tout en transformant la planète bleue en station balnéaire pour Xénoïdes en quête d’exotisme. Les humains sont relégués en habitants galactiques de seconde zone et la misère fait loi.
La critique :
Ce recueil de récits à la fois liés et indépendants est assez déstabilisant et plutôt sombre. L’auteur annonce d’ailleurs la couleur dans sa préface : « toute ressemblance entre la Cuba des années 1990 et cette Terre du XXIème siècle est purement intentionnelle ». Ainsi, dans la tradition des Lettres Persanes de Montesquieu, Yoss nous dépeint la société cubaine de Castro via un œil étranger, ici sous le prisme de la SF! C’est un pari osé!
Dans Planète à louer se succèdent donc 7 récits mettant en avant 7 personnages différents représentant eux mêmes 7 facettes de la nouvelle condition humaine. On découvre ainsi le destin de Buca, la travailleuse sociale (ou prostituée), Moy, l’artiste qui met son corps en scène, Daniel le joueur de Voxl, le flic véreux, etc. Le tout sur fond de misère, d’exploitation de l’espèce humaine par les Xénoïdes, d’absence d’avenir pour les jeunes et surtout le désir qui les unit tous : l’espoir de pouvoir un jour quitter la Terre pour tenter sa chance sur une planète plus prospère.
L’ensemble est déstabilisant car, d’un côté le fonds, qui porte sur la description de la Terre et des planètes Xénoïdes est un puzzle assez uniforme. La forme quant à elle est complètement hétérogène et varie d’un récit à l’autre. On a tour à tour droit à une narration à la troisième personne, à la première personne, un dialogue où une seule voix se fait entendre (non non, pas un monologue), etc. J’avoue avoir été un peu perdue lors des premiers chapitres et attendait de voir reparaître les premiers personnages !
Par ailleurs, Planète à louer est un livre dans le plus pur style SF (dont je ne suis pas vraiment adepte), où une double-lecture s’impose. En effet, se servant de ce style littéraire pour dépeindre la société cubaine et ses interactions avec le monde extérieur, Yoss nous impose un questionnement permanent. Cette description sordide de la vie dans la rue est-elle réaliste ? A quel degré tout ce que vivent les protagonistes est-il inspiré de la réalité ? On passe son temps à essayer d’imaginer ce monde alternatif et en même temps chercher les correspondances avec la réalité.
L’ensemble est cependant intéressant et les personnages (humain comme Xénoïdes) fascinants. Planète à louer plaira aux fans du genre SF tout comme à ceux intéressés par l’histoire, la politique… et Cuba ! La préface déstabilisante du livre titille notre curiosité. De fait, à la fin on veut en savoir plus sur l’histoire du pays. L’enchaînement de récits différents est un parti pris osé. Le résultat est un peu frustrant : on commence à peine à découvrir un personnage qu’il faut s’en détacher. Un peu décevant aussi qu’un chapitre ne soit pas consacré à Jowe, le personnage qui sert de lien entre presque tous les chapitres. Les lecteurs qui n’aiment pas trop être déstabilisés par un style novateur risquent de tiquer un peu. Mais ce n’est pas non plus si gênant que ça !
Attention, ceux qui n’aiment pas la SF passeront leur chemin, car Planète à louer, bien que parlant en filigrane d’une situation réelle, reprend tous les codes de la SF. En définitive Yoss nous décrit un panorama à la fois ultra-sombre, exotique et captivant. A lire si vous cherchez du dépaysement !
L’auteur :
Yoss, de son vrai nom José Miguel Sanchez est né en 1969 à La Havane. Précoce, il apprend à lire à l’âge de 4 ans. Il dévore alors tous les livres de fantasy et SF qu’il trouve. Licencié en biologie, il commence à écrire ses propres histoires après avoir épuisé les livres SF disponibles à Cuba ! Ironie du sort, Se alquila una planeta (chez Mnémos en France) est interdit de publication dans son pays natal. Paru en Europe, son œuvre phare reçoit plusieurs récompenses littéraires dont le prix de l’imaginaire Etonnant Voyageurs en 2010. Pour l’anecdote, Yoss pratique les arts martiaux et chante dans un groupe de heavy metal !
Le détail :
Une introduction sous forme de documentaire historique, sociologique ou scientifique précède chaque nouveau chapitre. Ces apports renforcent la crédibilité de ce monde post-rencontre-extraterrestre. Tout en critiquant le passé de la Terre (notre présent) de façon lucide et sans faux-semblant.
La parenthèse :
A la fin du livre, dans la section remerciements, l’auteur évoque les personnes qui l’ont aidé d’une façon ou d’une autre pour l’écriture de Planète à louer. Parmi elles, se trouvent des personnes qui l’ont inspiré pour la création de ses personnages. Prostituées, joueurs de Volley, biologistes et autres artistes font donc écho à Buca, Daniel, Alex, Moy et autres « héros » du recueil !
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