Souvenirs d’amour T1 (Kim In-ho)
Souvenirs d’amour, ou comment parler d’un thème difficile, le deuil. 14/20
Le synopsis:
Deux ans après la mort de son petit ami Yonu, Suna décide de retourner à l’université. Là bas, tout lui rappelle Yonu, et les bons moments qu’ils y ont passés. Pourtant elle n’est pas seule. En effet, l’assistant du directeur du département d’arts plastiques est l’ami d’enfance de Yonu. Suna va trouver un certain réconfort auprès de lui, en apprenant davantage sur son petit ami décédé. Cette relation va provoquer la jalousie d’Heijeen, amoureuse de lui depuis un certain temps.
La critique:
Cette bande dessinée se lit dans le sens ordinaire de lecture, ce qui est relativement original. Dans cette même veine d’originalité, il est dans un format plus grand que les mangas habituels, permettant de placer plus d’images sur une page. Enfin, les pages sont toutes en couleurs, ce qui joue un rôle important, puisque cela ajoute une certaine poésie à cette œuvre. Cela est en fait normal, puisqu’il s’agit ici d’une bande dessinée coréenne et non pas d’un manga japonais. Les codes sont donc différents.
Par ailleurs, si au départ elle paraît simple, l’intrigue se complexifie au fil des pages. En effet, au fur et à mesure des apparitions des différents personnages, on découvre de nouvelles relations et de nouveaux problèmes. Au départ Suna est totalement seule, mais lorsqu’elle rencontre Junso, elle trouve un ange gardien, qui lui offrira sa bourse et l’aidera dans ses démarches administratives. On sent que tous les deux ont besoin de parler de Yonu pour réussir à faire leur deuil. Ce personnage permet d’explorer le passé de Yonu, que Suna ne connaissait pas très bien. C’est aussi l’occasion pour le lecteur de mieux le connaître.
Ensuite, le personnage d’Heijeen apporte également une complexification étant donné qu’elle est jalouse de Suna. En cela, elle se montre très agressive envers elle. Malgré cet aspect, elle est très attachée à Junso. Et elle n’hésite pas à accueillir la jeune fille lorsque celle-ci cherche un logement. Les personnages sont donc très riches, et intéressants.
Pour ce qui est du dessin, il est relativement simple, mais très poétique. L’auteur y exploite très bien la couleur. Par exemple, les passages qui racontent le passé de Junso et Yonu possèdent un coloration sépia, qui illustre parfaitement le souvenir. Pour en revenir au dessin, il est certes simple, mais les émotions sont parfaitement retranscrites. On observe de nombreux gros plans sur les visages, qui permettent de percevoir les sentiments des personnages, que ce soit la tristesse, la joie, la jalousie, la colère, l’amour. Cela tend à créer une ambiance assez touchante, puisque les personnages sont très humains.
Enfin, je trouve que cette œuvre est également touchante par son thème. Yonu était jeune lorsqu’il est mort, et le couple qu’il formait avec Suna était fort. La mort brutale du jeune homme a provoqué un grand vide chez la jeune file, et ce n’est pas un sujet facile à traiter. Habituellement, on nous montre beaucoup de tristesse, mais ici le pathétique est peu présent. Face à sa tristesse, Suna décide d’être forte, de reprendre sa vie en main. Le lecteur suit donc son parcours, sans pour autant que l’accent soit mis sur la perte. Au contraire, elle maintient le souvenir de son petit ami, notamment en discutant avec Junso.
Je conseille donc cette bande dessinée aux personnes qui aiment les histoires réalistes, dans lesquelles on trouve peu d’actions. En effet, les émotions et les relations humaines occupent une grande place dans cette oeuvre.
L’auteur:
Kim In-ho est un auteur coréen, qui a étudié la BD et l’animation à l’université de Sejong. Sa première œuvre, Don’t cry, a été publiée en 2002 dans la revue Young Jump. Il publie d’autres œuvres ensuite, souvent sur Internet puis en version papier. Il a également produit Journal d’un homme marié, dans un grand quotidien coréen. C’est un auteur reconnu pour la finesse de son dessin et pour l’émotion authentique qu’il y transmet.
Le détail:
Par son format, cette œuvre se permet un certain nombre de libertés vis à vis de la mise en page traditionnelle du manga. Ici, les cases ne remplissent pas nécessairement toute la page. Tout n’est pas régulier, on peut par exemple trouver une case au milieu de la page. De plus, certaines pages comportent une unique illustration, ce qui apporte une certaine poésie. Enfin, la mort de Yuno est souvent associée à un fond noir sur lequel on trouve des écritures, qui rappellent les souvenirs des personnages. Aussi, j’ai trouvé que la mise en page avait un rôle important dans ce manga.
La parenthèse:
En Corée, ce type d’oeuvre s’appelle un Manhwa. Il s’agit en fait du nom coréen pour désigner les bandes dessinées. Mais à l’étranger, on utilise ce terme pour évoquer les bandes dessinées essentiellement coréennes. Les Manhwas occupent une grande place dans la culture coréenne et son publiés sous différentes formes: papier, Internet, téléphone portable. En effet, certaines sociétés de téléphonie proposent à leurs abonnés de courts manhwas, de quatre cases, visionnables sur un téléphone. La Corée veut faire connaître cette forme, souvent assimilée aux mangas japonais à l’étranger.
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